La Torah en cadeau
Par Dan Devash
Nos Sages enseignent:
« Trois choses ont été données en cadeau au Monde : la Torah,
les pluies et les luminaires (le Soleil et le Lune) » (Berechit Rabba
6)
שלושה דברים נתנו מתנה לעולם ואלו הן : התורה, והמאורות,
והגשמים
Personne ne conteste que les pluies, le Soleil et la Lune
sont des cadeaux inestimables puisque sans eux nous
ne pourrions pas vivre. Mais en quoi la Torah est-elle
un cadeau comparable à la pluie, alors que l’immense
majorité des hommes n’ont aucun lien avec elle, que la
plupart des juifs l’ignorent, la rejettent ou la combattent comme si elle était leur pire ennemi, et que
même parmi la minorité des fidèles, nombreux la considèrent comme une charge ? On peut comprendre ces
derniers puisque, comme le Talmud l’enseigne :
« Les paroles de la Torah ne subsistent que chez celui qui se tue
pour elle » (Chabbat 83)
אין דברי תורה מתקיימין אלא במי שממית עצמו עליה
En quoi la Torah est-elle un cadeau si elle exige autant
d’effort ? Mais ce qui sans doute éloigne le plus le juif
de sa source ce sont les mitzvot avec leurs contraintes
et leurs interdits qui, selon lui, donnent un goût amer
à la vie. Pourtant, le verset affirme :
« Je vous ai donné un bon enseignement, c’est ma Torah… »
(Mishlei 4, 2)
לקח טֹוב נתתי לכם תורתי
Si Hashem affirme que la Torah est bonne, c’est qu’elle
l’est de manière absolue ! Malgré tout, Hashem prévient à la fin de ce verset :
« … c’est Ma Torah, ne l’abandonnez pas ! » (Id.)
תֹורתי אל תעזבו
Effectivement, au cours des siècles, la grande majorité
des juifs abandonnèrent la Torah et une des raisons à
cela est que sa valeur de est cachée des yeux des
hommes. C’est pourquoi nous allons tenter ici
d’expliquer en quoi la Torah est un cadeau extrêmement précieux.
1. La récompense vient après l’effort
La première explication est la promesse exprimée par
le verset suivant :
« Si tu écoutes la voix d’Hashem ton D. qui t’ordonne de garder et de pratiquer toutes ses mitsvot… toutes les bénédictions
viendront à toi et t’atteindrons… » (Devarim 28, 1-2)
והיה אם שמוע תשמע בקול ה’ אלהיך לשמר לעשות את כל מצותי ו …
ובאו עליך כל הברכות האלה והשיגך
Ces versets, comme de nombreux autres, laissent entendre que le cadeau de la Torah est la récompense
qu’elle promet à ceux qui la gardent. Mais,
l’observation du Monde prouve que ceux qui rejettent
la Torah peuvent recevoir la bénédiction et que certains, parmi les plus fidèles, peuvent vivre dans une
grande pauvreté ! Mais le plus surprenant est dévoilé
par le verset suivant :
« Si tu n’écoutes pas la voix de l’Éternel ton D. qui te demande
d’observer et d’accomplir les mitsvot et les décrets qu’Il
t’ordonne, alors viendront sur toi et t’atteindront toutes ces
malédictions » (Devarim 28, 15)
והיה אם לא תשמע בקול ה’ אלהיך לשמר לעשות את כל מצותיו
וחקתיו… ובאו עליך כל הקללות האלה והשיג וך
Le texte poursuit avec l’énumération de quatre-vingt dix-huit terribles malédictions qui malheureusement,
comme l’Histoire en témoigne, ont bien frappé notre
peuple. D’un côté, donc, la Torah exige de l’homme
des efforts dans l’étude et la pratique des mitsvot avec
pour promesse la bénédiction en ce monde, comme
on l’a vu, et aussi et surtout une récompense extraordinaire dans le monde futur :
« Le plaisir véritable, le raffinement le plus grand qui puisse
être » (Messilat Yesharim 1)
התענוג האמיתי והעידון הגדול מכל העידונים שיכולים להמצא
D’un autre côté, elle menace des plus grands malheurs
celui qui ne respecte pas la parole d’Hashem.
2. Peut-on refuser la Torah ?
S’il en est ainsi, la question se pose : un juif peut-il
refuser de se sacrifier pour la Torah, sachant qu’il renonce également à recevoir cette récompense, afin
d’échapper au châtiment. La réponse est que cette
possibilité n’existe pas car :
« Ils ont accepté par un pacte de l’accomplir éternellement »
(Metsoudat David sur Yesh’ayahou 24, 5)
שקבלו בברית לקיימה עד עולם
Cela signifie que tout juif, du fait même qu’il est juif,
est lié par cette alliance avec Hashem et qu’il n’a donc
aucun moyen de s’en défaire. Cela peut expliquer
pourquoi les grands malheurs qui ont frappé le peuple
d’Israël ont touché même les juifs qui n’avaient plus
aucun rapport avec le judaïsme ! Dans ce cas, une
nouvelle question s’impose : nos ancêtres savaient-ils,
en acceptant ce pacte, que si leurs descendants rejetaient la Torah ils subiraient de telles souffrances ?
3. Israël savait-il ?
La réponse se trouve dans le verset suivant :
« Moché prit le Livre de l’Alliance, il le fit entendre aux oreilles
du peuple » (Chemot 24, 7)
ויקח ספר הברית ויקרא באזני העם
Même s’il existe de nombreux avis sur le contenu de
ce livre, et sur le moment où il a été lu, on ne peut pas
imaginer qu’Hashem ait caché le moindre détail de
cette alliance au peuple qu’Il a choisi, comme semble
le confirmer Rabbi Ishmaël qui indique ce que contenait ce Livre :
« Ce sont les années de repos de la Terre (Chmitot) et des
Jubilés, des bénédictions et les malédictions » (Mekhilta Masesekhta Debahodesh 3)
רבי ישמעאל אומר… שמטים ויובלות ברכות וקללות
Cela signifie que les hébreux ont eu connaissance du
contenu de ce pacte, y compris des mitzvot les plus
difficiles à accomplir comme la Chemita, et des malédictions qu’ils risquaient de subir. Il faut savoir également
que :
« Hashem n’agit pas en despote vis-à-vis de ses créatures »
(Avoda Zara 3a)
אין הקדוש ברוך הוא בא בטרוניא עם בריותיו
Cela signifie qu’Hashem n’a pas forcé les Enfants
d’Israël à accepter cette alliance, comme le prouve le
fait qu’après avoir eu connaissance de ce qu’elle contenait :
« Ils proclamèrent alors : ‘Tout ce qu’a dit Hashem nous le
ferons et nous le comprendrons » (Chemot id.)
ויאמרו כל אשר דבר ה’ נעשה ונשמע
4. La légitimité de la génération du désert
La question, à présent, est de savoir ce qui a poussé la
génération du désert non seulement à s’engager dans
cette alliance, mais surtout à y engager leur descendance en sachant tous les malheurs que ces derniers
risquaient de subir s’ils ne respectaient pas la Torah.
Selon nos Sages, il semble qu’en réalité nos ancêtres
n’aient pas eu le choix :
« Hashem renversa la montagne au-dessus de leur tête comme
une bassine en les menaçant : ‘Si vous acceptez de recevoir la
Torah, c’est une bonne chose et si non, c’est là que sera votre
tombeau’ » (Shabbat 88a)
מלמד שכפה הקדוש ברוך הוא עליהם את ההר כגיגית, ואמר להם:
‘אם מקבלים אתם את התורה, מוטב, ואם לאו , שם תהא קבו רתכם’
Le moins que l’on puisse dire est que ces paroles soulèvent au moins deux questions. Comment Hashem
peut-il menacer le peuple alors que les Sages nous ont
appris qu’Hashem n’agit pas en tyran envers ses créatures ? De plus, pourquoi faire cet ultimatum aux hébreux alors qu’ils ont consenti à respecter les paroles
d’Hashem ?
5. Récompense ou salaire ?
En réalité, pour recevoir la récompense promise par la
Torah, le fidèle doit toute la vie fournir des efforts et
donc, de ce point de vue, en quoi cette Alliance est-elle un cadeau ? Elle ressemble plutôt à un contrat
entre un serviteur et son maître à la différence que si
le juif ne pratique pas la Torah, il ne s’expose pas au
renvoi mais au châtiment ! Il existe une autre raison
pour s’étonner dans le fait que les Sages préviennent :
« … ne soyez pas comme des serviteurs qui servent leur maître
à condition de recevoir un salaire » (Avot 1, 3)
אנטיגנֹוס איׁש סֹוכֹו … היה אֹומ ר… הוו כעבדים המשמשין את הרב על
מנת ׁשלא לקבל פרס
En d’autres termes, comme le dit une autre michna :
« Fais en sorte que tous tes actes soient accomplis en
l’honneur du Ciel » (Avot 2, 12)
כל מעשיך יהיו לשם שמים
Comment comprendre que les Sages demandent de
servir Hashem de façon désintéressée, alors que Lui même promet une récompense à Ses fidèles ?
6. Le service qu’Hashem attend de nous ?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire tout
d’abord d’éclaircir le point suivant : Hashem a-t-Il besoin des efforts d’Israël dans la Torah et les mitsvot ?
La réponse se trouve dans les paroles suivantes de
Rambam :
« Lorsque l’homme réfléchit aux réalisations extraordinaires
d’Hashem et aux créatures formidables qu’Il a conçues, il
saisira alors Sa sagesse incommensurable et sans limite … et
en approfondissant sa réflexion sur ces choses-là, immédiatement il reculera, pris de frayeur, en comprenant qu’il n’est
qu’une infime créature, insignifiante et obscure, dotée d’une
connaissance légère et inconsistante fasse à Celui qui possède
la connaissance parfaite » (Rambam Hilkhot Yessodé Torah 2, 2)
בשעה שיתבונן האדם במעשיו וברואיו הנפלאים הגדולים ויראה מהן
חכמתו שאין לה ערך ולא קץ… וכשמחשב בדברים האלו עצמן מיד
הוא נרתע לאחוריו ויפחד ויודע שהוא בריה קטנה שפלה אפלה עומדת
בדעת קלה מעוטה לפני תמים דעות
Après ce tableau dressé par Rambam, il devient évident qu’Hashem n’a besoin ni de notre service, ni de
nos actes ni même des mitsvot qu’Il nous a ordonnées :
« Les mitsvot n’ont été données que pour affiner, grâce à elles,
les créatures » (Bereshit Rabba 44, 1)
לא נתנו המצ ו ות אלא לצרו ף בהן את הבריות
Les Sages révèlent ici que lorsqu’un homme fait une
mitsva, il n’apporte absolument rien à Hashem, c’est
lui-même qui en tire un bénéfice, même s’il n’en a pas
conscience.
7. L’homme s’affine grâce aux mitsvot
Il nous faut à présent découvrir de quelle impureté
l’homme doit se purifier et c’est le livre de Berechit qui
nous l’apprend. En effet, lors de la Création, Hashem a
insufflé en l’homme une âme pure et bonne, mais à la
naissance, tel un métal précieux, celle-ci est mêlée à
l’impureté :
« … car le penchant du cœur de l’homme est mauvais depuis
son enfance … » (Berechit 8, 21)
כי יצר לבה אדם רע מנעריו
Ces paroles, prononcées par Hashem après le Déluge,
révèlent à l’homme qu’il possède une nature mauvaise
qui, comme pour la Génération du Déluge, le pousse à
jouir sans limite des plaisirs de ce monde. De plus, il ne
peut même pas prendre conscience de ce défaut car
son esprit le trompe, comme le révèle un autre verset :
« Les pensées formées par le cœur de l’homme sont mauvaises
à longueur de temps » (Berechit 6, 5)
וכל יצר מחשבת לבֹו רק רע כל היֹום
L’objectif de l’homme est donc de quitter sa nature
égoïste et de révéler les qualités divines de son âme
afin de s’attacher à son créateur. Et seul la Torah lui
permet de réaliser cet objectif :
« Mes enfants, J’ai créé le Yetser Hara’, J’ai créé pour lui la
Torah, des épices pour l’adoucir. Tant que vous vous affairez
dans la Torah, vous ne serez pas livrés entre ses mains » (Kidouchin 30b)
בני בראתי יצר הרע בראתי לו תורה תבלין ואם אתם עוסקי ם בתו רה
אין אתם נמסרים בידו
La Torah n’a donc été donnée que pour aider l’homme
à s’affranchir de son Yetser Hara’ afin de le rendre
apte à recevoir le plus grand des délices dans le monde
futur.
8. La Torah est indispensable à l’homme
Lorsque Moché présenta le texte de l’Alliance aux
Enfants d’Israël, ceux-ci acceptèrent la Torah malgré
les décrets qu’elle contient et malgré les châtiments
qui risquaient de s’abattre sur eux ou sur leur descendance s’il rompait cette Alliance. Ils l’acceptèrent
parce qu’ils comprirent que sans elle, l’homme est
condamné à rester captif de son Yetser Hara’, dont le
seul projet est de l’entraîner dans la tombe, dépouillé
de mérites. C’est sans doute à cela que fait allusion le
Talmud en affirmant :
« ‘Si vous acceptez de recevoir la Torah, c’est une bonne chose
et si non, c’est là que sera votre tombeau’ » (‘Avoda Zara 2b)
אם אתם מקבלין את התורה מוטב ואם לאו שם תהא קבורתכם
Ces paroles d’Hashem n’étaient pas une menace, Il
voulait prévenir les Enfants d’Israël que seule la Torah
pouvait les sauver de la mort spirituelle et leur offrir la
vie éternelle. Ils comprirent alors qu’elle était un cadeau inestimable, c’est pourquoi ils l’acceptèrent et en
firent hériter leur descendance .