LES DEUX TYPES DE LIBERTÉ
L’ouverture de la Mer Rouge n’est pas un miracle de plus parmi toute une longue série de miracles dont a bénéficié Israël.
Ce dernier va porter un coup fatal à l’Égypte, et constituer un point de départ pour le peuple juif nouvellement né, définitivement affranchi.
La sortie d’Égypte n’a été que le préambule de la guéoula finale, et ce n’est qu’après ce miracle qu’Israël va être libéré totalement de l’asservissement égyptien.
Mais il y a lieu de s’interroger : pourquoi l’ouverture de la Mer sonne-t-elle le glas de l’Égypte et procure-t-elle à Israël la liberté ?
Le Maharal de Prague apporte sur ce point un commentaire intéressant : il existerait deux sortes de liberté :
– une liberté relative, qui donne à l’homme une autonomie partielle, n’étant plus asservi et tributaire de ses maîtres esclavagistes. Lorsque les Bné Israël ont quitté l’Égypte, ils n’ont acquis que cette dimension de liberté relative. Car la véritablement liberté est la liberté absolue, celle qui brise toutes les chaînes, qui casse le verrou qui le rattache à la nation égyptienne dans son ensemble, à son essence et ses mœurs, et qui le libère à jamais de l’emprise de son représentant dans les cieux : le sar Mitsrayim.
C’est la Torah elle-même qui l’affirme. Car peu après la sortie d’Égypte des Bné Israël, il est relaté que Paro et son armée se lance à la poursuite des fugitifs. Tous les versets se rapportant à cet épisode mentionnent Mitsrayim, l’Egypte en tant que nation, et non les Egyptiens, Mitsrim.
Il est dit, par exemple, dans Chémot (14, 9) :
« וירדפו מצרים אחריהם »
« L’Egypte se mit à leur poursuite ».
Ou encore, dans Chémot, (14 10) :
« והנה מצרים נוסע אחרים »
« L’Egypte partait derrière eux ».
Ou alors encore, dans Chémot, (14 13) :
« כי אשר ראיתם את מצרים היום לא תסיפו לראתם עוד עד עולם »
« Car comme vous avez vu l’Égypte aujourd’hui, vous ne la reverrez plus jamais ».
Pour parvenir à la guéoula, Israël doit en découdre avec le Sar de l’Égypte, le Sar Mitsrayim, le représentant céleste de l’Égypte en tant que nation. Pour recouvrer la liberté, il doit l’abattre.
Le miracle de l’ouverture de la Mer Rouge et la noyade de Paro mettra un terme définitif à la suprématie de l’Égypte sur Israël.
Le Maharal de Prague fait remarquer à ce propos, dans son ouvrage Guevourot Hachem, que lors des dix plaies, les devins de Paro voient le doigt de D.ieu pointer sur eux, comme il est écrit dans Chémot, (8 15) :
« ויאמרו החרטומים של פרעה אצבע אלקים היא ».
Mais dans la mer, c’est la main de D.ieu qui va se déployer contre l’Egypte, comme cela est mentionné dans Chémot, (15, 31) : « וירא ישראל את היד הגדולה ».
Le doigt est un élément, un détail de la main. Il symbolise la liberté relative, incomplète, acquise après les dix plaies et la sortie d’Égypte. Mais la main exprime la totalité. Elle incarne le pouvoir absolu de D.ieu, l’anéantissement de l’Égypte et de son représentant céleste dans les flots de la mer ; et, par voie de conséquence, l’acquisition de la vraie liberté pour le peuple juif.