Le concept du Chabbat
Par Rav E.Lemmel
La paracha de Vayakhel continue de parler de la construction du Michkane. Mais juste avant, elle nous précise que Moché a rassemblé tout le peuple d’Israël et qu’il lui a parlé du Chabbat.
On peut donc se demander: pourquoi ces deux sujets sont-ils juxtaposés ? Quel lien y a-t-il entre eux ? Pourquoi la mitsva de Chabbat est-elle à nouveau énoncée dans la paracha de Vayakhel, alors qu’elle l’a déjà été dans les Asséret Hadibérot (dix commandements) ?
Puisque nous la connaissions déjà, pourquoi nous en reparler ? Pourquoi nous dire, en plein milieu de la construction du Michkane, « Six jours tu travailleras et le septième jour ce sera Chabbat » ?
En faisant cela, Dieu voulait apprendre au peuple d’Israël que rien ne justifie la transgression du Chabbat. Que même pour construire le Michkane que l’on attend avec impatience, on ne peut pas transgresser le Chabbat.
Plus que cela: les Maîtres du Talmud vont voir dans la présence du texte du Chabbat au beau milieu de textes qui nous parlent de la construction du Michkane, une indication fondamentale sur les fameux travaux interdits le Chabbat.
Arrêtons-nous un instant:
Chabbat, nous avons deux commandements:
-Zakhor: se souvenir du Chabbat, c’est-à-dire faire un acte dans lequel on exprime celui-ci (en faisant par exemple le Kiddoush, c’est-à-dire la sanctification du Chabbat à l’entrée de celui-ci et sur un verre de vin) ;
-Chamor: garder le Chabbat, c’est-à-dire faire en sorte de le préserver en respectant les 39 mélakhot; être vigilant en ne faisant pas, entre autres, brûler le feu, en ne cuisant pas, en ne cousant pas…; en ne transgressant aucun des 39 travaux et aucun de leur dérivés.
Comment savons-nous ce que sont ces 39 travaux ? D’où les découvre-t-on ? Justement de la juxtaposition entre le Chabbat et la construction du Michkane.
Car nos Maîtres ont analysé tous les travaux nécessaires à celle-ci, et ils en ont déduit que si le texte nous dit: « Attention! Le Chabbat il faut cesser la construction du Michkane! », c’est que tous les travaux nécessaires à cette construction sont interdits le Chabbat. Et c’est là où nous voyons quelque chose qui va être passionnant:
Généralement, dans notre société, la notion de travail est associée à celles d’efforts ou de fatigue. Ainsi, certaines personnes s’imaginent que parce que le fait d’allumer un briquet ne demande aucun effort, n’est pas fatiguant, ce n’est pas un travail et c’est donc permis pendant Chabbat.
Mais en analysant bien les 39 travaux nécessaires à la construction du Michkane, on s’aperçoit qu’ils correspondent tous à une dimension de production.
Le travail qui est interdit le Chabbat n’est donc pas lié à une dimension de fatigue, mais au fait de réaliser quelque-chose, de transformer, de construire, de mettre en place quelque-chose de nouveau.
Et c’est cela, au fond, l’un des concepts fondamentaux du Chabbat: arriver, au bout de six jours dans lesquels nous nous sommes investis dans l’univers, dans lesquels nous avons créé et réalisé, à nous dire: « Stop! Nous avons fini d’être dans la réalisation, dans la création, dans la construction. Ce que nous avons investi en semaine doit maintenant revenir à nous. Nous sommes là pour profiter de tous ces investissements ».
C’est la raison pour laquelle, le Chabbat, nous arrêtons de produire.
C’est pourquoi le Chabbat on peut parfaitement, si on le souhaite, transporter dans sa maison des chaises d’une chambre à l’autre. Parce qu’en faisant cela, on ne crée rien de nouveau. Et le fait que ce soit fatiguant n’est pas trop grave, surtout si on le fait pour pouvoir accueillir des invités.
Par contre, une petite action qui ne nous fatigue pas mais qui est un acte de construction, sera interdite pendant Chabbat.
Et la Torah nous dit que le Chabbat est si fondamental que même pour construire le sanctuaire de Dieu, c’est-à-dire quelque-chose d’éminemment spirituel, nous ne pouvons pas le transgresser.
Alors sachons, tout d’abord, apprendre ce que sont ces 39 travaux interdits. Et ne voyons pas dans Chabbat seulement une succession d’interdictions, mais aussi cette notion de zakhor (de s’en souvenir), d’y installer une dimension de sérénité, de calme et de tranquillité, afin de nous reconnecter réellement avec la dimension spirituelle qui est à l’intérieur de chacun d’entre nous.