Les dépenses pour honorer le Chabbat
Par Rav Aaron Bieler – source : www.universtorah.com
La Guémara (Bétsa 15b) enseigne au nom de
Rabbi Yo’hanane : « Que veut dire le verset : Car la joie envers D. est votre force ?
Le Créateur dit aux enfants d’Israël : Empruntez sur Mon compte, ayez confiance en Moi et Je rembourserai (Né ‘hémia 8,10).
Rachi commente: « La joie dont vous faites preuve pour Hachèm est votre force, et c’est elle qui vous aidera à régler les dépenses
dans lesquelles vous vous êtes engagés».
La Guémara continue: «Toutes les dépenses de l’homme, durant toute l’année, sont fixées d’un Roch Hachana à l’autre,
mis à part les dépenses pour Chabbate et Yom Tov, et celles destinées à l’enseignement de la Tora aux enfants,
pour lesquelles, s’il ajoute des dépenses, on lui ajoute de l’argent, et s’il les diminue, on lui accorde moins.
Les Tossafote (id.) opposent au présent texte un autre texte
de la Guémara (Pessa’him 100a), qui fixe:
« Fais de ton jour de Chabbate un jour profane
(A savoir, ne pas manger plus qu’en semaine, et non point, bien entendu, profaner le Chabbat
pour autant), afin de ne pas avoir besoin d’emprunter de l’argent».
Il semblerait donc qu’il n’y ait pas lieu d’engager des dépenses plus larges que celles que l’on peut se permettre, contrairement au premier texte cité.
Comment concilier ces deux textes ? Nos maîtres les Tossafistes répondent que la seconde citation parle d’un cas où une personne n’est pas en mesure de rembourser.
Deux avis ont été émis quant à la compréhension de cette explication.
Le Maharchal admet que lorsqu’une personne dispose de gages pour emprunter de l’argent,
il faut les utiliser pour ce faire, et on remboursera par la suite. En revanche, une personne qui n’a aucun objet
à déposer en gage devra faire le moins de dépenses possible et devra se conduire le Chabbat comme il le fait durant la semaine en ce qui concerne ses dépenses pour la nourriture et le reste.
Le Gaon de Vilna comprend autrement ce que les Tossafistes ont voulu dire: pour lui,
la seule question est de savoir si la personne trouve chez qui emprunter, même si elle n’a pas la moindre idée de la manière dont elle pourra rembourser.
Elle basera sa confiance sur Hachèm, qui certainement enverra de quoi pouvoir rembourser la dette effectuée en l’honneur du Chabbat.
Le Michna Béroura Béroura (Cha’ar Hatsiyoune 242,12) rapporte cette conclusion du Gaon de Vilna,
mais aussi celle du ‘Atérèt Zékénim
qui interdit d’emprunter de l’argent si la personne ne sait pas comment elle pourra rembourser.
Le Michna Béroura conclut qu’en fait, chaque cas est particulier, et dépend de la situation d’ensemble de la personne.
Rav Nissim Karélits (‘Houte Hachani) explique qu’en fait le Michna Béroura veut indiquer une voie réaliste: même si selon le Maharchal,
on a le droit d’emprunter de l’argent quand on a des gages à déposer, ou que l’on peut dépenser de l’argent en ayant confiance en
l’aide divine, cela doit rester dans des proportions raisonnables.
De même, si l’on veut suivre le Gaon de Vilna et qu’une
personne soit prête à aider avec une somme à rembourser plus tard,
il faudra accepter, mais uniquement dans le cadre des capacités
de remboursement de l’emprunteur.
Le Rambam ne dit-il pas (Hilkhote Chabbate 30,15):
« Quiconque respecte le Chabbate selon la Halakha, l’honore
et en profite selon ses forces [ses possibilités], recevra sa récompense dans ce monde-ci, mis à part celle qu’il recevra dans le monde futur
De plus, comme le dit la Guémara (citée plus haut), cette promesse d’être remboursé
dépend de notre confiance en Hachèm. Cet élément est évidemment très personnel, et la Halakha ne peut pas fixer les critères à la place de la personne concernée.
En conséquence, toute personne se trouvant devant le problème de n’avoir pas de quoi effectuer ses achats pour honorer le Chabbate devra savoir jauger son propre niveau de confiance en Hachèm : s’il est moyen, elle ne pourra pas emprunter
au-delà de ses capacités; si il est élevé, elle pourra prendre plus de risques…
On remarquera que Rachi évite dans son commentaire de parler de l’aide que Hachèm peut apporter
à qui Lui accorde sa confiance, car, comme dit, c’est un élément qui dépend du choix et de la réflexion de chacun.