Peut-on changer le mazal ?
L’homme a-t-il la capacité d’intervenir pour changer son propre mazal ? Existe-t-il un champ d’action qui puisse lui permettre de s’extraire de l’influence des astres, et d’échapper au déterminisme ?
La stérilité, la pauvreté, et toutes les épreuves de la vie, sont une réalité intangible de la création, immuable.
Tout comme les lois et principes physiques qui régissent le monde. Nul ne peut s’y soustraire !
Pourtant, dans notre paracha, Dieu va demander à Avraham de sortir (« Vayotsé oto ha’houtsa« ), et Il va lui dire: « Compte les étoiles ! Peux-tu en supputer le nombre ? Ainsi sera ta descendance ! ».
Dieu va donc arracher Avraham des limites que lui imposaient la nature et ses lois. Car Avraham et Sarah étaient déjà avancés en âge.
La Guemara Taanit, à la page 25a, rapporte que Rabbi Élazar ben Pédat était très pauvre. Un jour, après avoir pratiqué une saignée et avoir consommé une gousse d’ail, il s’évanouit de faiblesse. Lorsqu’il se réveilla, il raconta avoir demandé à Dieu: « Maître du monde ! Jusqu’à quand vas-Tu m’éprouver ? Jusqu’à quand vais-je endurer cette misère dans laquelle je vis ?». Et Dieu va alors lui répondre: « Élazar, mon fils ! Désires-tu que Je détruise et renverse le monde, et alors tu naîtras peut-être avec le mazal de la bonne parnassa ? ». Mais Rabbi Élazar ben Pédat refusa.
Nous comprenons de cette histoire que, pour changer le mazal, le monde entier doit être renversé, et revenir au départ. Et tout cela, sans aucune garantie.
Comment comprendre alors que, dans toute sim’ha (dans tout événement de joie), nous souhaitons « Mazal tov » ? Car si le mazal a été programmé depuis la création du monde, comment pourrait-il changer ?
On raconte qu’un jour, à l’issue de Roch Hachana, le Rav de Louvline alla informer Rabbi Bounam qu’il perdrait durant l’année tout son argent. Au bout d’un an, Rabbi Bounam vint trouver le Rav de Louvline pour lui annoncer… que sa prédiction ne s’était pas réalisée !
Le Rav lui demanda alors : « Qu’as-tu fait de particulier ? ». Et Rabbi Bounam lui répondit qu’il n’avait cessé, durant l’année, de pleurer et de prier. Le Rav de Louvline acquiesça, et dit à Rabbi Bounam: « Les larmes, les pleurs et les prières ont le pouvoir de changer le mazal».
La Guemara Baba Métsia, à la page 59a, affirme que Dieu a fermé toutes les portes, à l’exception de celle des larmes. Rien ne résiste à une prière sincère, remplie de larmes et de pleurs !
Même s’il est, a priori, quasi-impossible de changer le mazal, la prière a la faculté de briser les limites que la nature impose à la Création. Celui qui prie et déverse ses larmes devant le Maître du monde dans un véritable esprit de se rapprocher de Lui, d’une symbiose totale, pourra alors rompre les barrières qui l’entourent. Rien ne résiste à une prière adressée à Dieu avec amour et ferveur !
C’est cela le sens du mazal tov que l’on souhaite lorsque l’on participe à un événement joyeux. Ce mazal tov est une berakha (une bénédiction) qui, grâce à une relation chaleureuse, de proximité avec l’autre, va créer un impact dans les Cieux, et transformer un mazal prédéterminé en mazal tov.
Hormis la prière, il existe un autre moyen de s’extraire du déterminisme : la Torah.
Elle a précédé le monde, et elle se tient au-dessus de toute réalité.
Il existe une faute pour laquelle il n’y a pas d’expiation dans ce monde : le ‘hilloul Hachem (la profanation du Nom de Dieu). Mais celui qui étudie la Torah s’élève au-dessus du monde physique, et échappe au mazal. Par cette étude, il vit dans un autre monde, une autre dimension, dans laquelle le pardon et l’annulation d’un décret de mort sont possibles. Il n’est plus restreint et confiné aux limites du monde matériel. Celui qui va se dévouer, se sacrifier et sanctifier son temps en étudiant la Torah, échappe totalement à l’influence des astres, et n’est pas soumis aux lois de la nature. Il n’est pas étonnant alors que le mazal ne puisse le dominer.
La Torah est la valeur suprême de toute notre existence, et nous devons nous investir pour l’acquérir, et pour sortir de notre petitesse.
Le monde fonctionne selon le principe de mida keneguède mida. Bémida chéadam modède, kakh modédim lo. Dieu se conduit envers l’homme de la manière dont celui-ci se conduit envers son prochain.
La Guemara Baba Batra, à la page 11a, raconte qu’une veuve qui avait sept enfants est venue solliciter Binyamin Hatsadik, un trésorier de la tsédaka. Mais, hélas, la tsédaka était vide !
Devant le désarroi de cette femme, Binyamin Hatsadik lui a donné de son propre argent, et l’a ainsi ressuscitée. Lorsque, quelques années plus tard, l’ange de la mort est venu prendre l’âme de Binyamin, les anges du ciel se sont exclamés à Dieu : « Un homme qui a sauvé de la mort une veuve et ses sept enfants peut-il mourir aussi jeune ? ». Au même instant, Dieu annula le décret de mort qui concernait Binyamin, et ajouta à celui-ci 22 ans de vie supplémentaire.
Ce maassé ‘hessed, cet acte d’amour et de bonté, a transpercé les lois de la nature, et a projeté l’homme dans une autre dimension de vie, qui échappe totalement au déterminisme.
Lorsqu’on agit bien envers son prochain, l’acte que nous faisons nous revient. C’est comme si on jetait une balle contre un mur: elle reviendra vers celui qui l’a lancée.
Celui qui se soucie du bien-être des autres mérite que les autres se soucient de son bien-être à lui, et lui fassent du bien. C’est cela le principe de mida kénéguède mida.
Il existe donc trois façons de changer le mazal d’un homme:
– par la Torah, qui va élever l’homme au-delà du Olam hazé, et donc le placer dans une autre réalité de vie.
– par la prière, qui, lorsqu’elle est sincère, a le pouvoir de briser toutes les barrières.
– et enfin par la guemilout ‘hassadim, qui fonctionne selon le principe de mida kénéguède mida.