Yaakov et la soumission à l’Occident
Par Yossef Aflalo
La paracha de Vayichla’h suscite de très grandes interrogations concernant Yaacov Avinou.
En effet, comment comprendre qu’un homme d’une telle hauteur spirituelle, qui est l’un des trois piliers du Am Israël, puisse s’humilier, se rabaisser devant son frère Essav (un racha’), le soudoyant par des cadeaux ? D’autant qu’il est écrit que Dieu Lui-même et les malakhim protègent Yaacov de façon permanente (Hachem nitsav ‘alav).
Bien entendu, nous ne sommes pas en mesure d’évaluer la grandeur ni des Richonim, ni des Tanaim et Amoraim, ni des prophètes et à plus forte raison des Avot (Avraham, Yitshak et Yaacov). Mais la Torah est éternelle, et les actes accomplis par les Avot sont une source d’enseignement pour les descendants, comme il est écrit: « Maasé Avot simane labanim ».
« Yaacov Avinou lo meth ». Yaacov Avinou n’est pas mort. Il vit dans le cœur de chacun d’entre nous, et chaque Juif est tenu d’affirmer avec force que Dieu et les malakhim le protègent.
Alors comment comprendre cette soumission à Essav ?
Il est rapporté dans le Navi l’histoire suivante:
Le roi d’Aram était en guerre avec Israël. L’armée d’Aram tendait chaque jour des embuscades à l’armée d’Israël. Mais le prophète Elicha en informait le roi d’Israël, et ainsi, toutes les tentatives d’Aram échouaient. Elicha, par son esprit prophétique, parvenait à déjouer tous les plans d’Aram. Le roi d’Aram fut intrigué, et il pensait qu’un espion dévoilait tous les secrets à Israël. Il fit une enquête, et arriva à la conclusion qu’Israël avait un prophète du nom d’Elicha, et qui était la source de tous ses déboires militaires. Le roi d’Aram ordonna la capture d’Elicha, alors qu’il campait à Dotane, en envoyant une armée lourde, avec de nombreux chars et chevaux. Elicha était entouré de toute part.
Au petit matin, Gué’hazi (le serviteur d’Elicha) fut saisi de frayeur lorsqu’il vit le siège de l’armée d’Aram autour de son maître. Il s’écria alors: « Ah, mon maître! Qu’allons-nous faire ? ». Mais Elicha lui répondit: « Al tira, ki rabim acher itanou méacher itam (N’aie crainte, car nos troupes sont plus nombreuses que les leurs!) ».
Elicha pria et dit: « Hachem! Péka’h na eth énav véyiré (Dieu! Daigne ouvrir les yeux de mon serviteur afin qu’il voie) ». A cet instant, Gué’hazi aperçut la montagne couverte de chevaux et de chars de feu tout autour d’Elicha.
Mais ces malakhim protecteurs, qui sont-ils ? D’où viennent-ils ?
Ces malakhim sont le produit de nos actes, de nos mitsvot, comme il est dit dans Pirké Avot: « ha’ossé mitsva a’hat koné lo peraklit é’had (celui qui fait une mitsva acquiert un défenseur) ».
Chaque mitsva est un malakh, une protection.
Que l’on lise le Chéma, que l’on mette les tefilines, que nous observions Chabbat, les lois de cacherout ou de pureté familiale, tout ceci constitue une muraille protectrice.
Actuellement, nous sommes entourés d’ennemis de tout côté, en Erets Israël et en dehors d’Israël. Le peuple juif est comparé à une brebis parmi soixante-dix loups. Mais « rabim acher itanou méacher itam »; malgré tout, nos troupes sont plus nombreuses que les leurs ! Car Dieu nous protège, et les malakhim nous entourent.
Mais revenons à l’interrogation du début: Pourquoi Yaacov, le ba’hir haavot, le pilier des Avot, qui est protégé par Dieu et entouré de malakhim, pourquoi s’est-il rabaissé en envoyant des cadeaux à Essav ? Pourquoi s’être tellement déprécié ?
Ce comportement de Yaacov n’est en réalité que notre propre comportement: quel rapport avons-nous avec la culture occidentale ? Sommes-nous ébahis et en admiration devant toutes les réalisations technologiques, devant toutes les inventions ingénieuses que l’Occident produit ? Même si le progrès est bénéfique à tous, doit-on s’annuler au profit de la civilisation d’Essav ?
En aucun cas ! Car la Science, avec tous ses avantages, reste une ‘hokhma ‘hitsonite (une sagesse extérieure), qui vient certes améliorer notre condition de vie, mais pas plus.
Par contre, la Torah, qui est la Science de Dieu, vient enrichir l’intériorité de l’homme. Elle construit l’homme.
Nous n’avons rien à envier à la civilisation d’Edom. Bien au contraire !