ט׳ בכסלו ה׳תשפ״ה

Choftim : être le juge de ses actes

Choftim : être le juge de ses actes
Réflexion sur la paracha Choftim

  1. Des juges et des policiers pour tous.

Le verset qui débute notre parasha ordonne :

« Des juges et des policiers tu disposeras pour toi, à toutes tes portes » (Devarim 16, 18)

שֹׁפְטִים וְשֹׁטְרִים תִּתֶּן לְךָ

Rashi précise :

« Dans toutes tes portes, c’est-à-dire ; dans toutes tes villes » (Rashi Id.)

בכל שעריך- בכל עיר ועיר

En d’autres termes, Hashem ordonne que l’on place dans chaque ville des juges et des policiers mais curieusement, ce verset s’adresse à la deuxième personne du singulier, ‘TU disposeras pour Toi, à toutes TES portes’ ! Cela signifie, en allusion, que c‘est à individu de placer des juges et des policiers à ses portes. Nous allons tenter de comprendre ce que cela signifie.

  1. Le Juge et le Policier.

Un des rôles du juge (Shofet) est de trancher une querelle entre deux plaignants qui se disputent la propriété d’un bien ou d’un objet. Si, par exemple, le juge conclut que celui qui détient le bien n’en est pas le propriétaire, il lui ordonnera de rendre l’objet à l’autre plaignant ou de le lui payer. Mais si ce dernier refuse, le rôle du policier est de le forcer le faire.

Il existe au cœur de l’homme une situation identique où deux plaignants se disputent la propriété d’un bien. Voyons, tout d’abord, quel est ce bien.

  1. Le bien le plus précieux de l’homme.

Le bien le plus précieux de l’homme est sans aucun doute son propre corps car grâce à lui il peut agir, travailler, se distraire ou se réjouir, si bien que l’essentiel de l’activité de milliards d’individus sur la planète lui est consacré dans le but de l’alimenter, le soigner, l’habiller, l’embellir, ou le distraire. Quant aux deux plaignants qui, au sein de l’homme, se disputent la propriété de ce bien précieux, il s’agit de ses deux penchants, le Yetser Hatov et le Yetser Hara :

« L’un affirme : ‘il est entièrement à moi’ et l’autre affirme : ‘il est entièrement à moi’ » (Baba Metsia 2a)

זה אומר כולה שלי וזה אומר כולה שלי

On peut donc apprendre en allusion de notre verset que l’homme doit placer des juges en son sein, afin de trancher la dispute entre le Yetser Hatov qui argumente : ‘Le corps est entièrement à moi car c’est grâce à lui que je profite de la vie’’ et le Yetser Hatov qui lui oppose : ‘ Pas du tout, c’est à moi qu’il appartient car le corps doit servir le Créateur et sans lui il est impossible de faire les mitzvot !’.

  1. Avec ou sans la Torah ?

En réalité, chez celui qui est détaché des commandements de la Torah, cette querelle n’existe pas car cet individu n’est préoccupé que par sa propre satisfaction et, dans ce cas, son corps est l’entière propriété de son Yetser Hara qui l’exploite comme il le désire. En revanche, celui qui vit sous le joug de la Torah a besoin de son corps pour accomplir les mitzvot, c’est pourquoi son Yetser Hatov va devoir se disputer contre le Yetser Hara’ qui lui aussi veut en disposer pour garantir l’existence de l’homme mais aussi pour assouvir ses plaisirs. Ce n’est donc que dans ce cas que va s’installer la querelle entre le Yetser Hatov, qui veut rapprocher l’homme de la Torah et d’Hashem, et le Yetser Hara’ qui veut s’en éloigner, et pour trancher leur dispute et décider ce que le corps doit faire, il faut un juge.

  1. L’homme Juge avec son cœur.

Cependant, la Torah nous prévient que pour que le jugement soit intègre il faut que le juge intérieur de l’homme obéisse au verset suivant :

« Ne fait pas pencher le jugement, ne fais pas de favoritisme, et ne prend pas de présent corrupteur » (Devarim 16, 19)

לא תטה משפט לא תכיר פנים ולא תקח שחד

Or, le Yetser Hara’ offre à l’homme de jouir immédiatement de ses actes tandis que le Yetser Hatov, avec les mitzvot, ne lui impose que des interdits et des contraintes. Il est donc très difficile au juge intérieur d’un homme de rester intègre et pour y parvenir l’homme doit, d’une part, réaliser que son Yetser Hara’, en le poussant à rechercher son intérêt personnel, finira par rendre sa vie amère et vide de sens et, d’autre part, il doit renforcer sa connaissance d’Hashem et avoir confiance que le but des mitzvot est de le libérer du joug de son Yetser Hara’ afin qu’il puisse atteindre un plaisir spirituel bien plus grand qu’Il lui réserve. Ce n’est qu’une fois ce travail accompli, que le juge pourra prendre des décisions justes.

  1. Accomplir la décision du juge.

Cependant, le travail de l’homme n’est pas terminé même lorsque la bonne décision est prise car, comme l’écrit Ram’hal :

« Tu verras que la nature de l’homme est très pesante parce que la matière terrestre qui le compose est grossière. C’est la raison pour laquelle l’homme ne court ni après l’effort ni après le travail » (Messilat Yesharim 6)

ותראה כי טבע האדם כבד מאד, כי עפריות החומריות גס, על כן לא יחפוץ האדם בטורח ומלאכה

En d’autres termes, l’homme s’oppose par nature à produire un effort dont il ne voit pas le bénéfice à tirer or, concernant les mitzvot, nos Sages préviennent :

« Il n’y a pas dans ce monde-ci de récompense pour une mitzva » (Kidoushin 39b)

 שכר מצוה בהאי עלמא ליכא

C’est pourquoi, même si le fidèle est convaincu que son intérêt est de servir Hashem, il va avoir toutes les difficultés à fournir les efforts nécessaires pour le faire. C’est pourquoi Ram’hal donne le remède à cette inertie naturelle :

« Celui qui veut faire partie des serviteurs d’Hashem doit, de lui-même, surmonter cette nature, se dépasser et cultiver le zèle, car s’il se laisse aller à son apathie, il n’a évidemment aucune chance de réussir » (id)

ומי שרוצה לזכות לעבודת הבורא יתברך, צריך שיתגבר נגד טבעו עצמו ויתגבר ויזדרז, שאם הוא מניח עצמו ביד כבדותו, ודאי הוא שלא יצליח

Cela signifie qu’une fois que le ‘’juge’’ a pris sa décision, l’homme doit forcer son corps à agir sans écouter ses plaintes, exactement comme un policier qui applique la sentence d’un juge sans écouter les arguments du coupable. On peut à présent dévoiler l’allusion contenue de notre verset : chacun doit placer des juges, c’est-à-dire être capable de voir clairement vers quoi Hashem et sa Torah le conduisent et discerner les vrais desseins de son Yetser Hara’, et des policiers, c’est-à-dire être capable d’agir à l’encontre de sa propre nature pour Le servir.

  1. L’aide du Ciel

Mais, bien souvent, le travail que l’homme doit fournir pour dépasser sa nature est au-dessus de ses forces, c’est pourquoi nos Sages révèlent :

« Celui qui vient se purifier reçoit de l’aide » (Yoma 38b)

 בא לטהר מסייעין אותו

En d’autres termes, lorsqu’un individu désire sincèrement se rapprocher d’Hashem même si cela lui semble impossible, il reçoit une aide du Ciel. Le Zohar précise :

« Quelle sorte d’aide lui apporte-t-on ? On lui donne une âme sainte pour le soutenir dans le service d’Hashem » (Zohar Hadash Bereshit 18b)

איזו עזרה נותנים לו, אלא שנותנים לו נשמה הקדושה הזו, שתהיה לו תומכת לעבודת הקדוש ברוך הוא

Cela signifie qu’en échange de sa volonté de lutter contre son Yetser Hara’, l’homme reçoit une âme sainte, en d’autres termes, la part d’Hashem qui est en lui va s’accroître et donner ainsi plus de force à son Yetser Hatov.

  1. Les querelles font grandir l’homme.

Cependant, un autre enseignement de nos Sages enseigne :

« Celui qui est plus grand que son ami, possède aussi un Yetser Hara’ plus grand que lui. » (Soucca 52a)

כל הגדול מחבירו יצרו גדול הימנו

En d’autres termes, après avoir reçu l’aide du Ciel et bien que son Yetser Hatov ait grandit, son Yetser Hara’ va à nouveau le dépasser ! Pour comprendre cette singularité, il faut savoir qu’il existe plusieurs degrés dans la connaissance et la proximité d’Hashem. Le Zohar donne à ces degrés le nom de ‘portes’, Sha’ar. Ce mot étant de la même racine que le mot Shi’our, qui signifie ‘mesure’ :

« … c’est par ces portes qui sont des degrés supérieurs grâce que l’on accède à la connaissance d’Hashem et s’il n’y avait pas ces portes (ces degrés), on ne pourrait pas s’attacher à Lui » (Zohar Vaera 103b)

 וּמִשּׁוּם הַשְּׁעָרִים הַלָּלוּ, שֶׁהֵם דְּרָגוֹת עֶלְיוֹנוֹת, בִּגְלָלָם נוֹדָע הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא, וְאִם לֹא – לֹא יְכוֹלִים לְהִתְדַּבֵּק בּוֹ

En d’autres termes, l’homme s’élève grâce à la Connaissance d’Hashem qu’il acquière par des degrés que l’on appelle des ‘portes’.

  1. Les degrés de proximité avec Hashem.

Nous pouvons, à présent, interpréter la suite du verset qui demande que l’on dispose des juges et des policiers ‘à chacune de tes portes (She’arékha)’, c’est-à-dire à chaque degré. En effet, chaque fois que l’homme s’élève, son Yetser Hara’ fournira des arguments encore plus forts pour l’éloigner du service d’Hashem. Cela signifie que la querelle entre les penchants de l’homme ne cesse jamais, c’est pourquoi l’homme doit sans cesse lui aussi accroître sa connaissance et sa foi en Hashem pour pouvoir lutter contre son Yetser Hara’. Et pour comprendre la raison pour laquelle Hashem ne révèle Sa grandeur à l’homme que par degrés, il faut savoir que les plaisirs que les hommes peuvent avoir dans ce monde, ne sont rien comparés à l’éclat de la Présence d’Hashem qui est, comme le décrit Ram’hal :

« Le vrai plaisir, un délice plus grand que tous les délices qui puissent exister » (Ram’hal Messilat Yesharim 1)

התענוג האמיתי והעידון הגדול מכל העידונים שיכולים להמצא

Si l’homme était exposé sans y être préparé même à une part infime de ce plaisir, il ne pourrait plus s’en passer et il resterait éternellement sous l’emprise de son Yetser Hara’ éloigné à tout jamais d’Hashem.

C’est pour cela que les plaisirs que l’homme ressent grâce à la Torah s’accroissent progressivement et que, grâce à cette lutte contre son Yetser Hara’ l’homme se rapproche d’Hashem et s’attache toujours plus à Lui, jusqu’à ce qu’il accomplisse la Mitzva la plus élevée :

« Tu aimeras l’Éternel ton D. de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout tes moyens » (Devarim 6, 5)

וְאָהַבְתָּ אֵת ה’ אֱלֹהֶיךָ בְּכָל לְבָבְךָ וּבְכָל נַפְשְׁךָ וּבְכָל מְאֹדֶךָ

C’est grâce à cet amour qu’il pourra recevoir le plaisir du Ciel dans le but de donner satisfaction à Hashem et non pas pour sa propre satisfaction.

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