La diététique selon le Rambam Par Rav Aaron Bieler
Dans l’introduction de son livre Hilkhote Dé’ote (IV), le Rambam écrit : « Puisque c’est suivre les voies de D. que d’avoir un corps sain et parfait, alors il ne sera pas possible de comprendre et de savoir quelque chose de la connaissance du Créateur en étant malade. On s’éloignera donc de ce qui est destructeur pour le corps et on s’habituera aux choses qui le rendent sain et fort. »
Et il ajoute : « Pour quiconque s’habitue à suivre toujours ces principes (d’hygiène naturelle) que nous venons de mentionner, je me porte garant qu’il ne sera jamais affligé par les maladies, vivra très vieux et finira par mourir de vieillesse ; il n’aura pas besoin de recourir aux médecins, à moins que son organisme n’ait été déficient depuis la naissance.«
Le Rambam a puisé ses connaissances dans la Tora, et ne s’est donc pas basé sur les vues des écoles de médecine de son époque dont les théories reposaient sur l’active participation des esprits, des démons et autres êtres maléfiques, ou encore sur l’influence des étoiles, des amulettes et de la magie noire. Il fut le premier à s’élever contre ces croyances et à demander qu’on vérifie depuis sa source la validité de chaque hypothèse et supposition, en bon rationaliste qu’il était.
Le Rambam s’attache toujours à suivre ce qu’il appelle « la voie d’or » et qui consiste à rechercher l’équilibre et la modération en toute chose.
Certains de ces principes, en matière alimentaires, sont fort étonnants pour son époque:
– L’homme doit veiller à sa santé s’il ne veut pas tomber malade (prévention)
– On ne devra jamais manger à moins d’éprouver la sensation de faim (Hilkhote Dé’ote 4,1).
– On ne mangera pas à satiété mais on devra rester sur le quart de sa faim.
– L’individu sain et fort mangera seulement deux fois par jour.
Il est bon de sauter un repas par semaine et de donner ainsi à l’estomac un temps de repos qui améliorera, par la suite, le processus digestif.
– Le Rambam considère la consommation de la viande comme un luxe à réserver aux jours de Chabbate et de fêtes.
– On ne se fatiguera, ni ne fera transpirer son corps, ni même se promènera tant que la digestion n’a pas été faite (Hilkhote Dé’ote 4.3).
– Se nourrir correctement ne signifie pas s’attacher uniquement à la qualité et au choix des aliments, mais aussi aux conditions extérieures et à l’état d’esprit dans lesquels nous absorbons cette nourriture: « Du pain sec à manger, mais dans la sérénité » (Proverbes, Roi Salomon).
– Prendre un repas consistant le soir provoque des troubles digestifs pendant la nuit qui se traduisent, entre autres par des cauchemars.
Nous allons voir à présent plus en détail les écrits du Rambam en matière de principes diététiques. Règles générales de nutrition préconisées par nos sages, d’après le Rambam:
1) Un homme doit manger modérément : « Plus nombreuses sont les personnes qui décèdent en mangeant que celles qui sont victimes du jeûne » (Chabbate 33a). « Ne te laisse pas trop aller à manger un plat que tu aimes particulièrement » (Guitine 70a). Eliya dit une fois à Nathane le prophète : « mange 1/3, bois 1/3, et laisse 1/3 vide, afin que tu puisses exister quand ton abdomen est plein de colère » (ibid).
2) Un homme doit manger simplement : Deux hommes sont entrés dans une boutique. L’un mangea du gros pain et des légumes, tandis que l’autre mangea du pain fin et de la viande grasse et bu du vin. Celui qui mangea des mets fins souffrit beaucoup (Kohélète Rabba 1:18).
3) Un homme doit manger lentement. Le Talmud explique : mâche bien avec tes dents et tu le retrouveras dans tes pas (Chabbate 125a) Prolonger un repas rallonge la vie de l’homme (Bérakhote).
4) Un homme doit manger régulièrement Tout changement dans sa façon de vivre, y compris pour les habitudes alimentaires, amène à des troubles de la digestion (Sanhédrine 101a). Dans ses aphorismes médicaux (Pirké Moché), Maïmonide consacre un chapitre entier aux aliments, aux boissons et à leurs consommateurs. Il commence par expliquer l’importance de la nutrition pour la santé et les maladies.
La connaissance de la diététique est pratiquement l’une des branches la plus utile du médecin, du fait du besoin constant des aliments (Aphorisme 20:2). Pour chaque individu donné, la digestion des aliments consommés peut être aisée ou difficile, selon la constitution et la nature particulière de l’individu, et selon les troubles ou maladies qu’il peut développer (ibid 20:4).
Les aliments tendres sont plus facilement et plus rapidement digérés dans l’estomac et convertis en sang dans le foie et les vaisseaux. Plus les aliments sont durs, plus est difficile et long leur temps de mastication (ibid 20: 6). Il n’est pas souhaité de se gaver d’aliments comme un chien affamé, ni de boire une boisson glacée lorsque nous somme assoiffés. Il est encore plus important de ne pas se saisir de choses placées devant nous, surtout celles qui sont sucrées, ou qui sont désignées par le qualificatif d’aliments gloutons (ibid 20: 7).
Les aliments et les boissons putréfiés (fermentés) produisent des toxines, équivalentes à celles produites par les poisons (ibid 20: 10). Un corps fatigué digérera mal, même des aliments sains. Ainsi, on mesurera toujours les quantités d’aliments en fonction de la force du corps ou de sa fatigue. On choisira également la qualité des aliments en fonction de la constitution du corps (ibid 20: 12). Certains aliments ramollissent les selles et « dissolvent l’abdomen« , et donc contiennent un pouvoir thérapeutique (ibid 20: 13).
Le pain le plus nourrissant et le plus approprié pour celui qui n’effectue aucun exercice physique, ou pour les personnes âgées, est un pain qui a été bien cuit dans un four et qui contient une grande quantité de pâte aigre (levain). Toutefois, un pain non levé sous toutes ses formes n’est pas approprié à n’importe quel type d’individu (ibid 20: 20).
Les viandes rôties ou grillées renforcent le corps plus que les viandes cuites. Après viennent les viandes bouillies, celles ci renforçant plus que tous les autres types de cuisson (ibid 20: 21). Toutes les viandes consommées grillées ou rôties, apportent une nutrition tendant vers l’acidité, alors que les viandes bouillies ont plus de valeur nutritive pour le corps en termes d’humidité. Les viandes cuites en marmite, et celle préparées avec des légumes et des épices se situent pour leurs effets entre les deux catégories précédentes (ibid 20: 22).
Consommer des boissons froides avant les repas est nocif pour les aliments et le foie (ibid 20: 32). Les boissons les plus saines pour l’organisme sont celles qui n’ont ni goût ni odeur (ibid 20: 38). Le lait nourrit un corps déficient, le fait revivre, et détruit la nocivité des humeurs restantes en les affaiblissant et en ramollissant les selles. Le fromage, toutefois, pénètre dans les canaux du foie et les obstrue (ibid 20: 39). Le lait est plus nourrissant que le blé et produit les meilleurs chymes de tous les aliments (ibid 20: 40).
Le lait de vache est le plus épais et le plus gras de tous les laits. Le lait de chèvre est moins gras (ibid 20: 43). Les meilleurs types de fromage sont ceux fabriqués avec du lait écrémé. Ils ne sont pas nocifs pour l’estomac, sont les plus rapidement assimilés, apportent un effet nutritif intéressant et ne produisent pas de « sang fermenté » (ibid 20: 45). Parmi les légumes qui allègent le chyme, se trouvent l’ail, l’oignon, le cresson de fontaine, le poireau, la moutarde. Viennent ensuite, le céleri de montagne, le fenouil, la menthe sauvage, la menthe d’eau, le cumin, etc. Ceci à la condition qu’ils soient tous consommés frais. Puis viennent les plantes de rocailles de jardin, le céleri d’eau et de jardin, la salade romaine, le basilic, le radis, le choux et les plantes à odeur agréable (ibid 20: 49).
Tous les fruits d’arbre, à de rares exceptions, produisent un mauvais chyme, sauf le marron.
Tous les fruits frais produisent dans l’estomac une toxine. Les figues et les raisins ne sont pas trop mauvais.
Les figues sèches, associées aux noix et aux amandes, produisent un chyme bénéfique (ibid 20:51).
Le Rambam ajoute que la soupe de poulet est un excellent aliment. La tourterelle augmente la mémoire, améliore l’intellect et aiguise les sens. La consommation de volailles est bénéfique à toute faiblesse.
La soupe est préférable, d’une manière générale en hiver ; si par contre du citron est ajouté au bouillon, sa consommation est préférable en été. Le Rambam passe en revue une importante quantité d’aliments (fruits, légumes, plats…), et il en analyse les effets. Il évalue également les techniques de conservation (dans le vinaigre, l’huile, le sable…). En ce qui concerne plus particulièrement les boissons, le Rambam préconise le vin de temps en temps en signifiant en détail ses effets positifs.
La prière du médecin selon le Rambam
Sans vouloir rapprocher, point par point les conseils diététiques préconisés de nos jours à travers la pathologie secondaire, à l’alimentation moderne, et ceux relevés au 11ème siècle par Maïmonide, notons tout de même que les similitudes sont nombreuses et frappantes. Respect de la Kacheroute, et conservation des habitudes alimentaires ancestrales, sont les bases de cette protection de la santé jamais démentie depuis des siècles.
Gageons par exemple que les découvertes les plus récentes en immunologie apporteront d’autres confirmations à la notion de protection héréditaire contre la toxicité de type allergique de certains aliments, amenant ainsi d’autres confirmations aux conseils prodigués par nos sages.
Le but essentiel de la Tora est, certes, de traiter d’une réalité essentielle dans la nature de l’homme, son essence spirituelle. Elle n’est pas un livre de médecine. Et pourtant, bien qu’en ne s’adressant qu’à la dimension spirituelle de l’homme, elle apporte en même temps un bien-être physique ! Et c’est ainsi que lorsque la Tora enseigne des principes ayant un effet sur le bien-être, on saisit d’emblée qu’il convient de rechercher la source de la maladie dans la définition spirituelle de l’homme.
Certes, il ne faudra pas espérer découvrir en laboratoires les 248 organes contenus dans le corps et correspondant aux 248 commandements positifs, et les 365 veines, correspondant aux 365 interdictions. Nos instruments de mesure ne sont pas encore suffisamment perfectionnés pour appréhender l’essence de la nature de l’homme. D. qui a crée l’homme comme un être spirituel, qui a façonné son corps pour aller à la rencontre de ses besoins spirituels, s’est basé sur un plan établi par Lui-même, la Tora.
Et il suffit de constater que plus de 3.000 ans d’application de ses principes n’ont fait que conforter l’homme juif du 20ème siècle de la véracité et de l’authenticité du projet divin d’origine. L’homme est véritablement une émanation de la Tora en tant que plan de la création spirituelle.
Si nous rapportons ces précisions, c’est pour placer l’oeuvre médicale du Rambam dans son contexte véritable. S’il faisait autorité avec autant de bonheur au 11ème siècle, aussi bien comme maître de la Halakha (loi) que comme médecin, il reste de nos jours, surtout, un décisionnaire incontesté.
Il faut donc retenir de son oeuvre médicale non seulement son étendue et son aspect d’avant-garde pour l’époque, mais surtout sa complémentarité avec l’oeuvre majeure de codification de la Halakha. C’est un homme de Tora qui a écrit des traités de médecine, et c’est ce qui fait l’originalité de son travail, l’aspect spirituel et halakhique étant indissociable de l’aspect physiopathologique.