Dans la paracha de Béchala’h, les Bené Israël sont sortis d’Égypte. Ils avancent dans le désert, puis arrivent devant la Mer. Là, ils sont bloqués: la mer est devant eux, et l’armée égyptienne (avec Paro, qui a regretté de les avoir laissé partir, à sa tête) est derrière eux et les poursuit. Ils ne peuvent donc ni avancer, ni reculer. Que faire ?
Moché Rabbénou se met alors à prier, mais Hachem lui dit: « Qu’est-ce que tu cries vers Moi ? Parle aux Bené Israël et qu’ils avancent! ».
Et un des commentaires explique, sur les mots « Qu’est-ce que tu cries vers Moi (מה תיצעק אלי) ? » employés ici: « לאו זמן תפילה (Ce n’est pas le moment de prier) ».
Qu’est-ce que cela signifie ? Si, dans une situation si difficile, ce n’est pas le moment de prier, alors quand est-ce le moment ?
Le fait de se trouver bloqués face à la mer était, pour les Bené Israël, un événement totalement imprévu. Ils savaient qu’ils seraient libérés de leur exil, qu’ils recevraient la Torah et qu’ils entreraient en Erets Israël, mais ne pensaient pas du tout se trouver à un moment coincés devant la mer, sans pouvoir ni avancer, ni reculer.
Le fait de prier dans cette situation aurait pu être interprété comme une tentative de vouloir faire disparaître de notre histoire cet événement inattendu, totalement inimaginable, afin que celle-ci puisse continuer. C’est pourquoi Hachem dit: « Ce n’est pas le moment de prier! Ne cherchez pas à faire disparaître cet événement inimaginable! N’essayez pas de faire disparaître cet événement imprévisible! Révélez votre capacité à gérer cette situation que vous n’avez pas imaginé! ».
Dans שיר השירים (le Cantique des cantiques), il est dit: « Ma colombe est cachée dans les fentes du rocher (et Dieu dit à cette colombe) montre-Moi ta voix, car elle est belle et agréable! ».
Nos maîtres expliquent que cette colombe, c’est le peuple d’Israël. Le peuple d’Israël est symbolisé par cette colombe qui, voyant fondre sur elle un aigle, se cache dans un rocher… dans lequel un serpent était caché ! Coincée entre ces deux dangers, elle ne sait où aller.
Telle était la situation des Bené Israël lorsqu’ils se trouvaient devant la Mer: ils voulaient avancer pour échapper aux Égyptiens, mais devant eux, la mer les bloquait (et s’ils avançaient, ils risquaient donc de se noyer).
A ce moment-là, il leur fallait révéler ce qu’ils étaient capables de faire dans une situation imprévue de l’existence. Et que font alors les Bené Israël ? Un de leur prince, Na’hchone ben Aminadav, avance. Lorsqu’on est face à la mer et qu’on doit avancer, il n’y a, a priori, aucune issue… Et pourtant, Na’hchone avance, il fait tout ce qu’il peut faire, sans se soucier de ce qui arrivera ensuite, de ce qu’il ne maîtrise pas; de ce qui, dans notre logique, n’a que peu de chance d’aboutir. Il avance, avance… Et lorsqu’en effet, il est arrivé au bout de ses possibilités, à ce moment-là, les choses s’ouvrent.
De cela nous pouvons tirer une formidable leçon: lorsque, dans la vie, nous sommes confrontés à une situation que nous n’avons pas prévue, nous rêverions, bien sûr, qu’elle n’ait jamais existé. Mais si cette situation est là, elle va être l’occasion de révéler des capacités que nous avions en nous et dont nous n’avions pas connaissance. Des capacités à aller jusqu’au bout de notre potentiel. Des capacités d’explorer toutes les solutions, même si nous pensons qu’elles ne pourront pas amener à grand-chose.
La prière est fondamentale, mais pour demander à ce que nos efforts aboutissent. Pas pour demander à ce que la réalité disparaisse, au lieu de l’exploiter.
Une situation difficile peut révéler des capacités que nous ne connaissions pas en nous et qui, brusquement, vont être découvertes.
C’est ce qui s’est passé lorsque les Bené Israël étaient devant la mer: ils ont découvert qu’ils pouvaient encore aller un peu plus loin, qu’ils avaient encore la possibilité d’avancer ne serait-ce que de quelques pas. Que va-t-il se passer ensuite ? On ne sait pas, mais on avance…
La situation des Bené Israël ressemblait alors à celle d’un homme auquel un roi avait promis sa fille s’il réussissait à monter les quarante étages d’un immeuble en deux minutes seulement. De nombreuses personnes se seraient découragées devant cette exigence apparemment impossible à satisfaire. Mais l’homme fit son possible: il commença à monter les étages et, alors qu’il était à bout de forces mais n’avait monté sur quelques étages, il découvrit… un ascenseur qui le mena jusqu’au quarantième!
Faire tout notre possible, c’est l’un des enseignements que nous pouvons tirer de notre paracha.