Les problèmes de communication dans le couple
Les thérapeutes de l’institut Yanar à Jérusalem reçoivent de nombreux couples en thérapie. Espace Torah a contacté l’un de ses spécialistes, Yonathan Gherabli, afin de répondre à nos questions sur le type de prise en charge pratiquée dans ce centre et sur les problèmes de couple en général.
Y a –t-il une classe de la population qui est plus amenée à consulter, au niveau de l’environnement socio-économique ou culturel par exemple ?
Non. Au Yanar, nous recevons beaucoup de couples religieux mais aussi des couples du milieu dati leumi , traditionnaliste et hiloni. Les problèmes touchent indistinctement toutes les couches de la société. Cependant, un couple en arrive souvent à consulter suite à des tensions. Des soucis d’ordre financier peuvent constituer l’un des paramètres capables d’aggraver de telles tensions. Mais cela ne signifie pas que ces personnes nécessitent davantage un suivi que d’autres couples plus à l’aise financièrement. Il existe de nombreux paramètres qui peuvent entrer en ligne de compte, mis à part celui-là.
Quels sont les problèmes les plus fréquents pour lesquels les couples consultent ?
On retrouve beaucoup de problèmes de communication. Il s’agit souvent d’un symptôme qui émerge en consultation. Cependant, le couple ne l’exprime pas toujours en ces termes. Les conjoints ressentent un malaise, une insatisfaction générale dans leur vie commune mais ne parviennent pas à en expliquer la ou les raisons. Cela se manifeste par des tensions et disputes trop fréquentes et dans des cas plus graves, par une absence totale de dispute donc d’échange et de communication.
En général, d’où viennent ces problèmes de communication dont vous parlez ?
Un couple qui se marie représente la réunion de deux sexes opposés et donc d’autant de points de vue et de façons différentes de communiquer. A cela, s’ajoutent des disparités au niveau intellectuel, socioculturel, etc. Certains couples parviennent plus facilement à surmonter cet écart. Cela dépend en grande partie de la capacité de chacun à fournir des efforts pour décoder correctement le langage de l’autre et pour appréhender sa nature et sa personnalité avec son « intelligence émotionnelle ». Plus le paramètre affectif et émotionnel est présent moins les efforts à fournir sont grands. Il ne suffit pas d’être capable intellectuellement de comprendre l’autre il faut également le vouloir avec son affect. Le problème est que de nos jours et au fil des années, on assiste à de gros progrès dans le domaine de la technologie. Notre entourage notamment médiatique nous pousse à la consommation de masse et à chercher à obtenir le maximum tout en fournissant le moins d’efforts possible. Aujourd’hui, grâce à internet, il est possible de faire ses courses depuis son salon. On est habitué à faire de moins en moins d’efforts. Même dans le domaine de l’éducation, on facilite beaucoup la vie à nos enfants, et il est fort probable qu’ils auront plus de difficultés que nous à fournir des efforts, de la même manière que nous ressentons plus de difficultés que nos parents.
Par contre, si on se rend compte du travail quotidien à fournir, on parvient plus aisément à établir une communication saine et sans équivoque. A cela s’ajoutent, bien évidement les paramètres du caractère. Une personne colérique par exemple qui s’emporte facilement rendra la communication plus difficile.
Est-il normal d’avoir des différends dans un couple ?
Oui. Non seulement il est normal, mais de plus il est sain qu’il y ait des différends dans un couple. L’harmonie ne provient pas de l’absence de disputes mais de l’art de les gérer. S’il n’y a plus de différends dans un couple, cela signifie qu’il n’y a pas de dialogue.
Y a –t-il des cas où le thérapeute pense qu’il n’y a aucune chance ?
En pratique, on débute en pensant qu’il y a toujours une chance. Parfois, la Rabbanoute nous envoie des couples pour tenter une médiation avant d’entamer une procédure de divorce. A partir du moment où la thérapie n’est pas à l’initiative des deux conjoints on peut supposer que le degré de motivation est très faible et les chances de réussite aussi. Dans ces cas-là en général, les propres intéressés ne sont eux-mêmes pas très motivés. Il y a également certains cas où la scission est allée trop loin, mais c’est plutôt rare. Dans la plupart des cas on tente un suivi. On se rend compte que même dans des situations graves comme certains cas d’infidélité par exemple, on peut reconstruire la confiance et les bases du couple dans le cadre de la hala’ha bien évidement.
Quelle est la méthode du Yanar et qu’est-ce qui explique une telle réussite parmi les couples qui ont été suivis dans ce centre ?
Il y a tout d’abord certains principes de base à respecter qui représentent une condition sine quoi none pour entamer une prise en charge.
Tout d’abord, il faut une motivation des deux conjoints à vouloir améliorer la situation.
Il est impératif également que chacun s’engage à ne pas prendre conseil parallèlement auprès d’une tierce personne autre que le thérapeute. Cette recommandation est d’autant plus valable concernant les membres de la famille.
En ce qui concerne l’approche générale du Yanar, nous pouvons dire qu’elle mêle à la fois des éléments de la psychologie et de la Torah. Mais dans la pratique, ce qui a emmené à de bons résultats, c’est surtout, je pense, la vision globale que l’on a ici du couple et sur laquelle on se base pour faire travailler ensemble les conjoints sous la forme d’exercices par exemple. Au final ce sont eux qui font le travail. Le thérapeute ne fait que leur donner les outils. Il agit en tant qu’observateur et les aide à diriger leurs efforts dans le bon sens. C’est pour cela qu’il s’agit d’une thérapie relativement courte. Ceci s’oppose à l’approche analytique occidentale basée essentiellement sur l’analyse de l’homme et de la femme en tant que membres de l’entité conjugale. On tente de régler les problèmes de ces deux parties de façon plus individuelle. Notre approche par contre considère le couple comme un système à part avec une logique propre, différente de celle de ses membres.
Quels conseils peut-on donner à un nouveau couple ?
On peut conseiller à un jeune couple de prendre toutes les mesures nécessaires pour être bien préparé au mariage. Même si l’on a déjà vécu en couple, on ne sait pas forcément ce qu’est le mariage. C’est une erreur de croire le contraire. Un autre conseil fondamental que l’on peut donner est de ne jamais lésiner sur les compliments et d’éviter au maximum les critiques. Selon les postulats sur lesquels se basent les thérapeutes du Yanar, la critique constructive n’existe pas. Toute critique doit être bannie. Il faut plutôt exprimer un besoin. Il vaut mieux remplacer un « j’en ai marre que tu ne fasses jamais la vaisselle » par « c’est tellement formidable quand c’est propre. Je me sens mieux dans la maison ». Chlomo Hameleh dit dans ses proverbes :« kemaim panim lapanim, ken lev haadam leadam ». (michlé 27/19). Ceci exprime l’idée que de la même manière que l’eau reflète notre image, ainsi nos proches percevront dans leur cœur notre manière d’agir envers eux et nous renverront cette attitude positive ou négative.
Yonathan Gherabli