Par Dan Devash – Reflexion sur la paracha Balak
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Balak a peur
Balak, le roi de Moav, avait plusieurs raisons de craindre d’Israël. Tout d’abord parce qu’Hashem avait promis à ce dernier :
« Je vais inspirer la peur et la crainte d’Israël à tous les peuples qui se trouvent sous les cieux » (Devarim 2, 25)
אָחֵל תֵּת פַּחְדְּךָ וְיִרְאָתְךָ עַל פְּנֵי הָעַמִּים תַּחַת כָּל הַשָּׁמָיִם
De plus, Balak avait vu comment Hashem livra aux mains des hébreux les puissantes armées des rois Si’hon et ‘Og à qui Balak payait un tribut à ces rois, pour sa protection (Tan’houma Balak 2). Cependant, le roi de Moav savait qu’il n’avait rien à craindre d’Israël :
« En effet, Moav savait qu’Israël ne prendrait pas possession de leur Terre … car ils avaient entendu qu’Hashem les en avait empêchés en leur disant : ‘ N’opprime pas le peuple de Moav et ne lui déclare pas la guerre car Je ne te donnerai pas sa terre‘ » (Ramban sur Balak 22, 3)
הנה ידעו מואב כי ישראל לא ילכדו את ארצם מהם… ששמעו גם כן מניעת השם שאמר להם אל תצר את מואב
Il suffisait à Balak de ne pas s’opposer aux hébreux pour ne pas être inquiété, malgré tout, Balak va chercher à frapper Israël et puisque les hébreux étaient protégés par le Ciel, il demandera l’aide du prophète Bil’am. Balak ne craignait donc pas qu’Israël envahisse son territoire, ce dont il avait peur, il l’exprimera à Bil’am :
« Voici un peuple qui est sorti d’Égypte, et il a voilé l’œil de la Terre » (Bamidbar 22, 5)
הִנֵּה עַם יָצָא מִמִּצְרַיִם הִנֵּה כִסָּה אֶת-עֵין הָאָרֶץ
Il nous faut comprendre en quoi le fait qu’Israël soit sorti d’Égypte dérange Balak et ce que signifie son accusation d’avoir voilé l’œil de la Terre.
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Israël a quitté l’Égypte
Pour comprendre en quoi la Sortie des hébreux de l’Égypte inquiétait Balak, il faut savoir qu’à cette époque ce pays était au sommet de la civilisation et de la science, comme le prouve le verset :
« La sagesse de Shlomo surpassa toute la science des peuples de l’Est et toute celle de l’Égypte » (Melakhim I 5, 10)
וַתֵּרֶב חָכְמַת שְׁלֹמֹה מֵחָכְמַת כָּל בְּנֵי קֶדֶם וּמִכֹּל חָכְמַת מִצְרָיִם
En plus de sa science, l’Égypte était aussi le lieu des pires dépravations, auxquelles même les hébreux furent entraînés :
« Les pratiques des égyptiens étaient les plus dépravées parmi les peuples et le lieu même où vivaient les hébreux les dépassait tous » (Sifra 8, 13, 6)
מעשיהם של מצריים מקולקלים מכל עממין ואותו המקום שישבו בו ישראל מקולקל מכולם
Ainsi, l’Égypte dans laquelle les hébreux vécurent durant deux siècles était un lieu où la science et l’intelligence cohabitaient avec la recherche effrénée de jouissance et de plaisir, y compris à l’endroit où vivaient les hébreux. On trouve, en effet, de nombreux textes qui ne laissent pas de doute sur le fait que les hébreux s’étaient assimilés aux égyptiens et qu’ils leur ressemblaient, comme dans le midrash suivant :
« Les uns comme les autres étaient incirconcis, ils se coiffaient d’une manière arrogante et portaient des vêtements de composition interdite (Sha’atnez) » (Vayikra Rabba 23,2)
אלו ערלים ואלו ערלים, אלו מגדלי בלורית ואלו מגדלי בלורית, אלו לובשי כלאים ואלו לובשי כלאים
Et le jour même de la Sortie d’Égypte, alors qu’ils avaient vécu toutes sortes de prodiges et été témoins des plaies subies par les égyptiens, il fallut les mettre en garde :
« ‘Retirez vos mains de l’idolâtrie et attachez-vous aux mitzvot’ » (Mekhilta Massekhta dePis’ha 11)
‘משכו וקחו לכם צאן’… רבי יוסי הגלילי אומר : ‘משכו ידיכם מעבודה זרה והדבקו במצוה’
À plusieurs reprises ils exprimèrent le regret d’avoir abandonné ce pays, même quarante ans après en être sortis :
« Le peuple parla contre Hashem et Moshé : Pourquoi nous avez-vous fait quitter l’Égypte pour nous faire mourir dans le désert ? » (Bamidbar 11, 5)
וידבר העם באלהים ובמשה למה העליתנו ממצרים למות במדבר
Les hébreux, qui avaient baigné pendant tant d’années dans cette civilisation totalement corrompue, trouvèrent malgré tout la force d’en sortir et de suivre Moshé dans le désert. Cela est l’une des craintes exprimées par Balak à Bil’am :
« Voici un peuple qui est sorti d’Égypte… » (Bamidbar 22, 5)
הִנֵּה עַם יָצָא מִמִּצְרַיִם…
Ce n’était certainement pas pour informer Bil’am que Balak lui annonce la sortie d’Égypte, mais pour lui faire savoir sa crainte de voir qu’un peuple entier a réussi à se libérer de l’emprise de ses vices !
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La doctrine des hébreux
Mais ce qui inquiétait encore plus Balak c’est que ce peuple ne venait pas seul, il apportait avec lui la Torah que Balak connaissait bien. En effet, lorsque Yitro retourna à Midian, il enseigna à son peuple la Torah qu’il avait apprise de Moshé. Mais Balak l’avait rejetée :
« Yitro avait été plongé dans l’idolâtrie puis il s’en est écarté, Balak, qui était un des petits fils de Yitro, s’écarta de la voie de son père » (Zohar Balak, 197a – Soulam 222-223)
יתרו נמשך ונעבר מן עבודה זרה, ובא להתדבק בישראל הוא ובניו… בלק היה מבני בניו של יתרו, וסר מדרכו של אביו
Balak redoutait que les hébreux ne répandent la Torah car il savait que les mitzvot, avec leurs contraintes et leurs interdits, réduisaient considérablement la liberté des hommes. On peut comprendre à présent pourquoi Balak accuse Israël d’avoir ‘voilé ‘Œil de la Terre’. Cette expression est déjà employée au sujet de la plaie des sauterelles :
« Le nuage de sauterelle couvrit l’œil de la Terre, celle-ci s’assombrit’ » (Shemot 10, 15)
וַיְכַס אֶת עֵין כָּל הָאָרֶץ וַתֶּחְשַׁךְ הָאָרֶץ
Balak accuse Israël d’avoir voilé le Soleil (Onkelos Shemot 10, 5) et ainsi d’obscurcir l’apparence de la Terre (Rashi Id.), c’est-à-dire, en allusion, les hébreux en acceptant la Torah avaient, en quelque sorte, assombri la vie des hommes en les privant des lumières des jouissances terrestres.
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Comment vaincre les hébreux
Balak fait alors appel à Bil’am dont il connaissait le pouvoir :
« Je sais que celui à qui tu donnes la bénédiction sera béni et que celui que tu maudis sera maudit » (Bamidbar 22, 6)
יָדַעְתִּי אֵת אֲשֶׁר תְּבָרֵךְ מְבֹרָךְ וַאֲשֶׁר תָּאֹר יוּאָר
Balak cherche à se servir de Bil’am pour maudire Israël, mais Hashem va contrarier son projet. Il envoie un ange pour barrer la route de Bil’am qui menace de tuer son ânesse lorsqu’il la voit s’écarter obstinément du chemin. C’est alors que survint, l’incident le plus invraisemblable de la Torah : Hashem donne la parole à l’ânesse :
« L’ânesse dit à Bil’am : ‘Ne suis-je pas ton ânesse, celle que tu as chevauchée de tout temps et jusqu’à ce jour ? » (Id. 22,28)
וַתֹּאמֶר הָאָתוֹן אֶל בִּלְעָם הֲלוֹא אָנֹכִי אֲתֹנְךָ אֲשֶׁר רָכַבְתָּ עָלַי מֵעוֹדְךָ עַד הַיּוֹם הַזֶּה
Pourquoi fallait-il donner la parole à un animal, et quel enseignement peut-on tirer de ce ‘miracle’ ?
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Le zèle de Bil’am et celui d’Avraham
Bil’am, qui était prophète comme Moshé, possédait aussi des points communs avec Avraham :
« De même qu’Avraham était à la tête des israélites, Bil’am, de son côté, était à la tête des nations » (Maharal Derekh Haim 5,19)
כשם שהיה אברהם ראש לאומה הישראלית כך היה בלעם ראש לאומות
Tous deux feront également preuve d’un grand zèle pour accomplir leur mission, Bil’am pour maudire ses ennemis, et Avraham pour obéir à l’ordre d’Hashem de sacrifier son fils :
« Avraham se leva de bonne heure et il sella son âne. » (Ber. 19, 27)
וַיַּשְׁכֵּם אַבְרָהָם בַּבֹּקֶר וַיַּחֲבשׁ אֶת חֲמֹרו
« Bil’am se leva de bonne heure et il sella son ânesse » (Bam. 22,13)
וַיָּקָם בִּלְעָם בַּבֹּקֶר וַיַּחֲבשׁ אֶת אֲתֹנוֹ
La différence essentielle entre les deux versets, c’est que l’animal d’Avraham est un âne, tandis que celui de Bil’am c’est cette fameuse ânesse. Pourquoi la Torah donne-t-elle ces détails ? Pour le découvrir il faut réfléchir sur le mot âne en hébreu.
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L’âne, symbole de la matérialité
Le mot âne, qui en hébreu se dit ‘HaMoR, possède la même racine que le mot ‘HoMeR la matière. Lorsque la Torah nous apprend qu’Avraham chevauche son âne, elle délivre le message suivant :
« Il est mentionné à son sujet qu’il chevauche sur l’âne (Hamor), c’est-à-dire qu’il s’élève au-dessus de la matière (Homer) » (Maharal Derekh Haïm 5, 19)
כתיב אצלו והוא רוכב על החמור כלומר שהוא מתעלה על המדרגה החמרית
Autrement dit, Avraham, comme le ferait un cavalier sur son cheval domine la matière, c’est-à-dire les instincts et les pulsions qui le poussent à jouir de ce monde. À l’inverse, Bil’am chevauche une ânesse et non pas un âne. De plus, comme le révèle nos Sages ז »ל, il ne fait pas que la chevaucher :
« Je te sers de femme la nuit » (Sanhédrin 105b)
שאני עושה לך מעשה אישות בלילה
Que veulent nous apprendre Sages sur la personnalité de Bil’am en nous révélant ce détail avilissant ?
« C’est parce que Bil’am avait fusionné avec la matière que les Sages disent qu’il cohabitait avec son ânesse » (Maharal Derekh Haïm 5, 19)
בלעם היה מתחבר אל החומר ולפיכך אמרו שבא על אתונו
En d’autres termes, Bil’am était tellement dominé par ses instincts et ses pulsions qu’il cohabitait littéralement avec la matérialité afin d’en tirer le maximum de jouissance, même de la manière la plus abjecte.
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Balak et Bil’am associés dans un même combat
Balak, comme Bil’am, était plongé dans la matérialité et ils craignaient tous deux qu’Israël, après avoir quitté l’Égypte, ne propage les règles de la Torah et plongent leur monde dans l’obscurité. En d’autres termes, Balak et Bil’am ne voulaient pas de la Torah qui prive l’homme des nombreux plaisirs, c’est-à-dire des lumières qui éclairent sa vie. Mais, en vérité, ces plaisirs auxquels tous les hommes se livrent sont éphémères et une fois consommés il n’en reste presque rien, l’homme va alors rechercher des plaisirs toujours plus intenses mais sans jamais être comblé, comme nous ont prévenu les Sages :
« Aucun homme ne quitte ce monde sans qu’il lui reste encore au moins la moitié de ses désirs à combler » (Kohelet Rabba 1, 13)
אין אדם יוצא מן העולם וחצי תאוותו בידו
Mais le pire est que ces plaisirs sont souvent la cause de la frustration de l’homme, de ses maladies et de toutes sortes de soucis qui rendent sa vie désagréable et difficile. Et, quand il voit que cette vie ne le conduit pas vers le bonheur, il va s’en plaindre et la maudire comme le fit Bil’am à l’encontre de son ânesse qui ne le conduisait pas là où il voulait aller. Cette vie, si l’on peut dire, va alors lui répondre comme le fit l’ânesse de Bil’am : ‘As-tu oublié que c’est toi qui m’as choisie et que nous cohabitons ensemble depuis toujours !’.
- Jouir de la Lumière éternelle
Balak et Bil’am n’avaient pas tort, la Torah voile la lumière terrestre, en effet, par ses interdits et ses contraintes, elle retire à l’homme une grande part des jouissance matérielles. Mais en réalité, grâce à ce voile, l’homme évite la chute spirituelle et se prépare à jouir de la lumière infiniment meilleure qu’Hashem lui réserve :
« L’homme n’a été créé que pour jouir de l’éclat de Sa Présence, qui est la jouissance véritable, le bonheur le plus grand qui puisse exister » (Messilat Yesharim 1)
שהאדם לא נברא אלא להתענג על ה’ ולהנות מזיו שכינתו שזהו התענוג האמיתי והעידון הגדול מכל העידונים שיכולים להמצא
C’est le sens que l’on peut donner à la bénédiction qu’Hashem met sur les lèvres de Bil’am :
« Comme tes Tentes sont ’bonnes’, Ya’akov, tes Résidences (Mishkenot), Israël » (Bamidbar 24, 5)
מַה טֹּבוּ אֹהָלֶיךָ יַעֲקֹב מִשְׁכְּנֹתֶיךָ יִשְׂרָאֵל
Les tentes sont des lieux où la lumière matérielle ne pénètre qu’avec mesure et dans lesquelles Ya’akov, le juif du labeur, choisit de vivre :
« Et Ya’akov, homme intègre, habitait dans les tentes » (Bereshit 25,27)
ויעקב איש תם יושב אהלים
Ces tentes sont ‘bonnes’ parce qu’elles protègent l’homme des lumières nocives de ce monde. Ya’aKov vécut dans ces tentes, à l’abri de ces lumières et grâce à cela, il deviendra Israël, le juif de la grandeur, celui qui pénétrera dans les Mishkenot, les lieux où réside Hashem et où le Juste jouit de la Lumière de de Sa Présence.