Quelle est la récompense de nos mitsvot ?
Réflexion sur la paracha Ekev – Par Dan Devash
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Une récompense en ce monde-ci
Le verset qui débute la parasha nous apprend qu’Hashem appliquera l’alliance qu’il a établi avec nos patriarches à la condition que nous respections Ses mitzvot, Ses décrets et Ses jugements, tel que mentionné au verset précédent :
« En conséquence de ce que vous aurez considéré ces jugements, que vous les aurez préservées et appliquées, alors l’Éternel votre D. conservera pour vous l’alliance et la bienveillance qu’il a promises à vos pères. » (Devarim 7, 12)
וְהָיָה עֵקֶב תִּשְׁמְעוּן אֵת הַמִּשְׁפָּטִים הָאֵלֶּה וּשְׁמַרְתֶּם וַעֲשִׂיתֶם אֹתָם וְשָׁמַר ה’ אֱלֹהֶיךָ לְךָ אֶת הַבְּרִית וְאֶת הַחֶסֶד אֲשֶׁר נִשְׁבַּע לַאֲבֹתֶיך
Mais Rashi va donner à ce verset une signification toute différente :
« Si vous observez les mitzvot insignifiantes (Kalot) que l’homme écrase de ses talons, alors Hashem conservera Sa promesse » (Rashi Id.)
אם המצות הקלות, שאדם דש בעקביו, תשמעון, ‘ושמר ה’ לך’ וגו’- ישמור לך הבטחתו
Selon cette interprétation, il ne s’agit plus de s’attacher aux lois de la Torah et de les respecter pour qu’Hashem conserve sa promesse mais, selon Rashi, il faut pour cela observer les mitzvot ‘que l’on écrase du talon’, autrement dit, les mitzvot négligeables (Kalot). Cette interprétation nous oblige à définir ce que sont les ‘mitzvot Kalot’ et à comprendre d’une part, pourquoi la promesse d’Hashem ne repose que sur elles et d’autre part, pourquoi, en apparence, celui qui ne pratique que les ‘mitzvot importantes (‘Hamourot)’ ne pourra pas en bénéficier ?! Le midrash nous apprend que la crainte principale du roi David reposait sur les mitzvot négligeables :
« David craignait le jour du jugement et disait : ‘Maître du Monde, je ne crains pas les mitzvot importantes de la Torah. Ce que je crains, ce sont les mitzvot négligeables de peur d’avoir transgresser l’une d’elle parce qu’elle est négligeable » (Tanhouma ‘Ékev 1)
דוד היה מתירא מיום הדין, והיה אומר רבון העולמים איני מתיירא מן המצות החמורות שבתורה שהן חמורות, ממה אני מתיירא מן הקלות, שמא עברתי על אחת מהן, אם עשיתי אם לאו, מפני שהיא קלה
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Ce qui rend une mitsva importante
Il ne fait pas de doute qu’aux yeux des hommes il existe des mitzvot qui sont importantes et d’autres qui sont négligeables, comme le laisse entendre le Sifté ‘Hakhamim qui révèle à ce sujet :
« Les mitzvot ‘négligeables’ sont celles qui n’ont pas d’importance aux yeux des hommes parce qu’ils n’en tireront pas une grande récompense » (Sifté ’Hakhamim sur Devarim 7, 12 a)
המצוות הקלות, כלומר שאינם חשובים בעיני אדם לקבל עליהם מתן שכר גדול
Cela signifie qu’à l’inverse, les hommes considèrent comme ‘importantes’ (Hamourot) les mitzvot dont ils pourront tirer un grand bénéfice. Mais en réalité, cette façon de voir les choses n’a aucune valeur puisque les Sages nous ont prévenu :
« Sois attentif à accomplir une mitzva négligeable comme une mitzva importante car tu ne connais pas la récompense des mitzvot » (Avot 2, 1)
וֶהֱוֵי זָהִיר בְּמִצְוָה קַלָּה כְּבַחֲמוּרָה, שֶׁאֵין אַתָּה יוֹדֵעַ מַתַּן שְׂכָרָן שֶׁל מִצְוֹת
S’il en est ainsi, comment selon Sifté Hakhamim, les hommes peuvent-ils décider quelles sont les mitzvot importantes et celles qui sont négligeables ?
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Les mitsvot importantes
Pour comprendre cela, il faut réfléchir à ce que nos Sages disent, au sujet de la récompense :
« C’est selon la peine qu’est attribuée la récompense » (Avot 5, 23)
בן הא הא אומר לְפוּם צַעֲרָא אַגְרָא
Ce principe existe dans de nombreux domaines de la vie courante et en ce qui concerne la Torah, Barténoura l’interprète ainsi :
« C’est à la hauteur de la peine endurée au cours de l’étude et de l’accomplissement des mitzvot que se mesure la récompense » (Barténoura id.)
כפי רוב הצער שאתה סובל בלמוד התורה ועשיית המצוה, יהיה שכרך מרובה
Cela signifie que pour définir la récompense, il ne suffit pas de dire qu’elle est réservée à celui qui accomplit les mitzvot, il faut aussi rajouter ce fondement : la récompense des mitzvot dépend de la peine fournie pour les accomplir. Lorsque par exemple un individu fait Téshouva, il doit fournir beaucoup d’efforts pour chaque mitzva et donc, il recevra donc sans aucun doute une grande récompense. Avec le temps, cependant, il accomplira ces mêmes mitzvot presque sans effort, tout comme le fidèle qui a pratiqué les mitzvot depuis sa naissance. Et bien qu’à présent ses mitzvot ne lui demandent d’effort, il reste persuadé qu’elles lui rapporteront un grand salaire.
Il se pose donc là une question fondamentale : comment celui qui accomplit toutes les mitzvot sans effort, comme c’est le cas de la plupart des fidèles, peut-il espérer recevoir une grande récompense dès lors que celle-ci dépend de l’effort ?
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Les deux phases de l’éducation
La réponse à cette question se cache dans les paroles de Rambam qui révèle qu’il y a deux phases dans l’éducation juive :
« Lorsqu’on enseigne aux enfants, aux femmes et aux non érudits (‘Amé Haaretz), on ne leur enseigne à servir D. que par crainte et afin de recevoir une récompense, jusqu’à ce qu’ils enrichissent leurs connaissances et qu’ils acquièrent un supplément de sagesse. » (Hilkhot Teshouva 10, 5)
כְּשֶׁמְּלַמְּדִין אֶת הַקְּטַנִּים וְאֶת הַנָּשִׁים וּכְלַל עַמֵּי הָאָרֶץ אֵין מְלַמְּדִין אוֹתָן אֶלָּא לַעֲבֹד מִיִּרְאָה וּכְדֵי לְקַבֵּל שָׂכָר, עַד שֶׁתִּרְבֶּה דַּעְתָּן וְיִתְחַכְּמוּ חָכְמָה יְתֵרָה
Cette première phase de l’éducation juive conduit les fidèles à pratiquer les mitzvot par crainte d’être puni ou privé de récompense. Ensuite, poursuit Rambam, la deuxième phase de son éducation peut commencer :
« On leur révèle alors, peu à peu, ce secret et on les accoutume avec douceur jusqu’à ce qu’ils appréhendent et connaissent Hashem afin qu’ils Le servent par amour » (id)
מְגַלִּים לָהֶם רָז זֶה מְעַט מְעַט וּמַרְגִּילִין אוֹתָן לְעִנְיָן זֶה בְּנַחַת עַד שֶׁיַּשִּׂיגוּהוּ וְיֵדְעוּהוּ וְיַעַבְדוּהוּ מֵאַהֲבָה
Ce secret consiste donc à pratiquer la Torah :
« Ni par crainte ni pour recevoir une récompense mais uniquement par amour de Maître du Monde qui l’a ordonné » (id)
לא ליראה ולא לקבל שכר אלא מפני אהבת אדון כל הארץ שצוה בה
C’est pourquoi, au début les fidèles vont s’appliquer à étudier la Torah et à multiplier les mitzvot puisqu’ils savent que grâce à cela qu’ils recevront une grande récompense. Mais ensuite, le fidèle doit comprendre que tous ses efforts doivent être dirigés de sorte à donner satisfaction à Hashem et non à son propre bénéfice. Il ne s’agit pas de modifier sa pratique des mitzvot ou son étude mais, peu à peu, il faut accomplir la torah par amour pour Hashem, dans le but de se rapprocher de Lui.’.
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L’effort est dans l’intention
Il ressort des paroles de Rambam que, bien qu’il soit très important d’accomplir la Torah de la meilleure façon possible, et que les fidèles n’hésitent pas à fournir beaucoup de moyens et d’efforts pour y parvenir, cela ne soit pas le véritable objectif, car l’important est que la Torah et les mitzvot soient accomplie avec l’intention de donner satisfaction à Hashem et pas pour en tirer un bénéfice. Or, pour les fidèles, seul l’acte est l’important tandis que l’intention est une chose négligeable. On peut dès lors comprendre pourquoi le Roi David ne craignait pas de transgresser les mitzvot importantes, c’est-à-dire les actes des mitzvot, mais qu’il avait peur de transgresser les mitzvot négligeables, c’est-à-dire de ne pas accomplir l’une d’elle avec la bonne intention.
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L’alliance avec Hashem
Nous pouvons à présent aussi comprendre, comme le dit Rashi, qu’Hashem n’accomplit Sa promesse que pour ceux qui pratiquent les mitzvot négligeables, c’est-à-dire avec l’intention de donner satisfaction à Hashem. En effet, tant qu’un homme accomplit les mitzvot pour recevoir une récompense, comme les femmes et les enfants dont parle Rambam, sa nature ne l’empêchera pas de fournir des efforts. Tandis que lorsqu’il décide de faire les mitzvot ‘pour Hashem’, il devra se battre contre sa propre nature car celle-ci refuse qu’il fasse des efforts gratuitement. Et pour y parvenir, il doit s‘appuyer sur sa foi, c’est-à-dire sur la Foi qu’Hashem n’agit que pour le bien et ne désire qu’une seule chose : que les hommes se rapprochent de Lui et se rendent apte à recevoir la récompense suprême qu’Il leur réserve :
« L’homme n’a été créé que pour se délecter d’Hashem et jouir de la Splendeur de Sa Présence, qui constitue la véritable jouissance et le plaisir le plus grand qui puisse être » (Ram’hal Messilat Yesharim 1, 1)
אדם לא נברא אלא להתענג על ה’ ולהנות מזיו שכינתו שזהו התענוג האמיתי והעידון הגדול מכל העידונים שיכולים להמצא
Or, cette proximité est impossible à atteindre tant que l’homme ne s’attache qu’aux mitzvot ‘importantes’ c’est-à-dire au salaire des mitzvot. En effet, comment un homme qui se sert de la Torah pour en tirer un bénéfice pourrait-il se rapprocher d’Hashem et bénéficier de cette récompense suprême ?
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La récompense en ce monde-ci
Quant à cette récompense, elle ne sera reçue que dans le monde futur puisque, comme l’explique Rashi au sujet des mitzvot :
« Aujourd’hui pour les faire et demain, dans le monde futur, pour en recevoir la récompense » (Rashi sur Devarim 7, 11)
היום לעשותם – ולמחר לעולם הבא ליטול שכרם
Dans ce cas, que signifie tous les bienfaits énoncés dans le texte des versets ?
« Hashem t’aimera et te bénira. Il bénira le fruit de tes entrailles, ceux de ta terre … » (Devarim 7, 13)
ואהבך וברכך והרבך וברך פרי בטנך ופרי אדמתך
Le Maskil LéDavid donne la réponse suivante :
« Tous ces bienfaits ne sont pas la récompense à ces mitzvot, puisque celle-ci est réservée pour le monde futur, il s’agit en réalité d’un supplément de récompense »
שכל הטובות הללו אינם לשכר המצות שזה צפון הוא לעולם הבא אלא הרי זה תוספת
En réalité donc, les bienfaits énoncés par le verset ne sont pas la récompense suprême que l’on recevra à la fin des temps mais un supplément que le fidèle recevra immédiatement. Et pour comprendre ce que cela signifie, réfléchissons sur le premier bienfait du verset :
« Il t’aimera » (Devarim 7, 13)
וַאֲהֵבְךָ
Il faut savoir que les Sages affirment par ailleurs :
« C’est parce que le Saint ב »ה, aime les Enfants d’Israël qu’Il les éprouve dans ce Monde » (Midrash Mishlé 13)
ר’ אליעזר אומר מתוך שהקב »ה אוהב את ישראל הוא מיסרן בעולם הזה
En d’autres termes, Hashem aime les Enfants d’Israël en toutes circonstances, même s’ils ont fauté ! De plus, puisque Hashem est éternel, Son amour aussi ne dépend pas du temps. Dès lors, que signifie l’expression ‘Il t’aimera’, adressée à celui qui sert Hashem sincèrement ? La réponse est que celui qui pratique la Torah pour Hashem aura le mérite de ressentir déjà dans ce monde une part de l’amour que lui porte Hashem, et grâce à ce ‘supplément de récompense’ il lui sera plus facile de faire les mitzvot ‘pour Hashem’ et de recevoir ainsi plus vite sa récompense éternelle.